Page:Sue - Paula Monti, tome 1, 1845.djvu/175

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« P. S. Répondre poste restante, à Paris, à madame Derval. »

Soit qu’il fût dans un milieu d’idées romanesques et mélancoliques, soit qu’il crût à la sincérité de cette lettre, soit enfin que, décidé à refuser l’offre de ce cœur, il évitât, de la sorte, le ridicule d’être dupe d’une plaisanterie, M. de Morville répondit sérieusement à cette proposition, et envoya ces mots : Poste restante, à l’adresse de madame Derval.

« J’aimerais mieux mille fois être victime d’une plaisanterie que risquer de répondre légèrement à l’expression d’un sentiment dont un honnête homme doit toujours se montrer fier et reconnaissant. Il est un mérite que je prétends avoir, c’est celui de la franchise ; jamais je n’ai commis une action lâche ou méchante, jamais je n’ai regardé comme vains et frivoles les engagements de deux cœurs qui se donnent l’un à l’autre, engagements dans lesquels une femme met presque toujours son repos, son honneur, son avenir à la merci d’un homme ; engagements dans lesquels la femme risque tout, l’homme rien…

« Je répondrai donc : Non, mon cœur n’est pas libre ; j’aime, et j’aime sans espoir

« Serai-je compris, lorsque je dirai qu’en répondant de la sorte je crois être à la hauteur du sentiment que l’on m’exprime, et dont je suis aussi touché qu’honoré ?

« En admettant la réalité du sentiment dont on