Page:Sue - Paula Monti, tome 1, 1845.djvu/205

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Il fut tiré de sa rêverie par un bruit de pas ; il leva la tête, et vit s’approcher un homme de grande stature, portant une longue barbe blanche, et marchant d’un pas ferme, quoiqu’il parût de temps à autre tâter le terrain avec sa canne.

Le brouillard était devenu très épais : ce vieillard (le lecteur a déjà reconnu Pierre Raimond), dont la vue était faible et incertaine, au lieu de suivre la ligne du quai, avait beaucoup dévié à droite, et s’avançait directement vers l’homme au manteau, qu’il n’apercevait pas.

Ce dernier, placé sur le bord du talus, se dérangea machinalement pour le laisser passer.

Pierre Raimond atteignit le sommet de la berge, perdit l’équilibre, roula sur la pente de l’escarpement, et disparut dans le fleuve en étendant les bras et en poussant un cri affreux.

Tout ceci s’était passé en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire.

Se débarrasser de son manteau, se précipiter dans la Seine, et plonger pour arracher ce malheureux à la mort, tel fut le premier mouvement du prince de Hansfeld, car c’était lui qui se promenait sur ce quai désert, voisin, comme on le sait, de l’hôtel Lambert.

Frêle, débile, mais d’une organisation très nerveuse, Arnold de Hansfeld pouvait, par une violente surexcitation, trouver dans son énergie une force passagère ; après des efforts inouïs, il parvint à saisir Pierre Raimond.