Page:Sue - Paula Monti, tome 1, 1845.djvu/76

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Et puis il faut tout dire : pourrions-nous dévoiler un de ces mille replis du cœur humain, ou plutôt de l’organisation humaine ? pourrions-nous faire croire à l’un de ces revirements soudains, brutaux, dont les hommes seuls sont capables, après les plus aigres, les plus basses, les plus injurieuses récriminations ?

Berthe était retombée assise sur son fauteuil, accablée sous l’impression que lui avait causée cette scène cruelle. La jeune femme baissait la tête ; son joli cou, ses charmantes épaules blanches et polies comme de l’ivoire, que l’émotion couvrait d’un léger incarnat, frappèrent la vue de M. de Brévannes.

Selon que cela arrive toujours, vingt fois il avait oublié sa femme pour des créatures indignes de lui être comparées, même sous le rapport de la beauté… Depuis la scène à laquelle Berthe avait fait allusion en parlant d’une femme-de-chambre qu’elle avait chassée, les deux époux étaient restés l’un envers l’autre sous une profonde impression de froideur et de contrainte. L’amour de Berthe pour son mari avait reçu un mortel et dernier coup.

M. de Brévannes, voyant le chagrin de sa femme, se figura, par une de ces imaginations grossières naturelles à l’homme, qu’en flattant Berthe sur la puissance et sur l’éclat de sa beauté, il se ferait pardonner les outrages dont il venait de l’accabler ; il s’approcha donc silencieusement de Berthe, puis, entourant sa taille, lui dit :