Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1865-1866.djvu/243

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L’astronome obstiné monte à la plate-forme,
Et, comme un enchanteur, d’un appel sûr et lent
Fait descendre le ciel dans sa lunette énorme ;
Il se croit incliné sur un lac d’or tremblant.

Achevant l’œuvre aimé que son désir abrège,
L’artiste sent ses doigts obéir à ses yeux ;
Il voit le dur Paros crouler comme la neige
         Aux pieds du souverain des dieux !

Le paysan croit voir un sillon qu’il imprime
Fumer sous le soleil, les fauves moucherons
Bruire étincelants dans l’air rose et sublime,
Et ses bœufs s’allonger en alignant leurs fronts

Eh bien ! qu’ils dorment tous visités par tes songes,
O Nuit ! qu’ils soient heureux ou punis dans tes bras !
Ils ne connaissent pas l’erreur où tu les plonges ;
         S’ils s’en plaignent, tu partiras !

Arrête-toi ; fais dire à l’Aube qu’elle attende
Ou choisisse une terre où soit béni le jour ;
Fais-lui dire qu’ici la misère est si grande
Qu’on ne peut plus sourire à son joyeux retour.