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la france.

III

 
Les noms des vieux combats où nous avons vaincu,
Près de ces fleuves, Rhin, Moselle, Sambre, Meuse,
Dont jusques à la mer l’onde par nous fameuse
Ne nous semblait baigner qu’un empire exigu,

Ces noms dont notre gloire a si longtemps vécu,
Je ne peux les entendre aujourd’hui, je leur creuse
Une tombe en mon cœur, muette et ténébreuse ;
Leur beau son me fait mal comme un sarcasme aigu.

À ces noms, chauds encore, étourdiment s’enflamme
L’aiglon que chaque enfant porte, chez nous, dans l’âme,
De la ruse et du nombre insensé contempteur.

France, la craie en main, sur un tableau d’école,
Construis, sans vanité, la longue parabole
Que promet la justice au boulet rédempteur.