Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1872-1878.djvu/188

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
176
la révolte des fleurs.

Sa pensée errait solitaire,
Dernier poète sur la terre,
Il rêvait.

Songeant à la fortune antique
Des vers oubliés, et parfois
Dérobant au récent patois
Des épaves du verbe attique,
Pris d’un vaste et lointain regret
Mêlé d’envie involontaire,
Dernier poète sur la terre,
Il pleurait.

Nuls bruits d’usines ou de rues
N’étouffaient l’hymne intérieur
Qui, le jour, emplissait son cœur ;
Et, les étoiles apparues,
À l’heure où le monde se tait,
Son cœur seul ne se pouvant taire,
Dernier poète sur la terre,
Il chantait.

Étranger dans l’âpre mêlée
Des égoïsmes dévorants,