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poésies diverses.

Des hiboux et des rôdeurs traîtres
L’appel vague et rare a cessé,
Mais la rumeur de tous les êtres
N’a pas encore commencé ;

À peine un coq s’est fait entendre,
À peine fume un premier feu
Dans le ciel humide et si tendre
Qu’on ne sait s’il est blanc ou bleu ;

Sur la route flotte et s’allonge
Un lambeau d’errante vapeur
Qui semble en fuite comme un songe
À qui la lumière a fait peur :

La rosée, où ne s’illumine
Pas encore un seul diamant,
Sous une gaze blême et fine
Ensevelit le pré dormant ;

Comme un miroir de fiancée
Où tremblent des reflets de lis,
L’eau des ruisseaux est nuancée
Par la nacre des cieux pâlis.