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le zénith.

Moi, je salue en vous le genre humain qui monte,
Indomptable vaincu des cimes qu’il affronte,
Roi d’un astre, et pourtant jaloux des cieux entiers !

L’espérance a volé sur vos sublimes traces,
Enfants perdus, lancés en éclaireurs des races
Dans l’air supérieur, à nos songes trop cher,
Vous de qui la poitrine obstinément fidèle,
Défiant l’inconnu d’un immense coup d’aile,
Brava jusqu’à la mort l’irrespirable éther !

Mais quelle mort ! la chair, misérable martyre,
Retourne par son poids où la cendre l’attire,
Vos corps sont revenus demander des linceuls ;
Vous les avez jetés, dernier lest, à la terre,
Et, laissant retomber le voile du mystère,
Vous avez achevé l’ascension tout seuls !

Pensée, amour, vouloir, tout ce qu’on nomme l’âme,
Toute la part de vous que l’infini réclame,
Plane encor, sans figure, anéanti ? non pas !
Tel un vol de ramiers que son pays rappelle
Part, s’enfonce et s’efface en la plaine éternelle,
Mais n’y devient néant que pour les yeux d’en bas.