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les vaines tendresses.


L’art et l’amour


À Alexandre Piedagnel

 
Le vent d’orage, allant où quelque dieu l’envoie,
S’il rencontre un parterre, y voudrait bien rester :
Autour du plus beau lis il s’enroule et tournoie,
Et gémit vainement sans pouvoir s’arrêter.

— « Demeure, endors ta fougue errante et soucieuse,
Endors-la dans mon sein, lui murmure la fleur.
Je suis moins qu’on ne croit fière et silencieuse,
Et l’été brûle en moi sous ma froide pâleur.

« Ton cruel tournoîment m’épuise et m’hallucine,
Et j’y sens tout mon cœur en soupirs s’exhaler…
Je suis fidèle ; ô toi, qui n’as pas de racine,
Pourquoi m’enlaces-tu si tu dois t’en aller ? » -