Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1878-1879, 1886.djvu/111

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Gagner de proche en proche avant d’occuper tout.
Le contact et l’écart, si l’air est contractile,
S’expliquent, dira-t-on, sans vide ; erreur subtile !
Un lieu, qui n’était point occupé, le devient ;
Un autre, qui l’était, cède ce qu’il contient :
Il n’est pas de raison pour que l’air se condense,
Et le fit-il, sans vide il ne pourrait, je pense,
Grouper ses éléments, se retirer en soi.
Ne t’embarrasse plus d’objections frivoles :
Il faut du vide enfin reconnaître la loi !
     Et je pourrais encore, ami, dans mes paroles,
Par d’autres arguments corroborer ta foi ;
Mais, pour les signaler à ton esprit sagace,
Il suffit que mes vers t’en aient livré la trace.
Quand le chien, par les monts pleins d’errants animaux,
Flaire, il va droit au gîte abrité de rameaux,
Dès qu’il s’est élancé sur des pistes certaines ;
Ainsi, de preuve en preuve, aux notions lointaines
Tu cours, et, jusqu’au vrai fidèlement conduit,
Tu le forces dans l’ombre en son dernier réduit !
     Si mon verbe concis t’arrête ou te déroute,
J’étendrai la doctrine et la déploîrai toute ;
Mon sein riche épandra le miel de mes discours
En fleuve intarissable et si large en son cours
Qu’en nos membres le froid de l’âge peut descendre
Et de la vie en nous la gaine se briser,
Sans que mon luth t’ait fait sur chaque chose entendre
Les arguments sans nombre où tu pourrais puiser !

     De l’œuvre commencé renouons la texture :