Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1878-1879, 1886.djvu/47

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La propriété chimique, nommée affinité, que nos sens ne peuvent directement atteindre, provoque la combinaison et la maintient ; elle est donc un principe vraiment essentiel de distinction des corps, car elle détermine en s’exerçant la formation d’unités nouvelles perçues par nos sens. L’idée qu’on peut se faire de la substance matérielle est donc intimement liée à celle qu’on se fera de l’affinité. La physique nous a révélé la matière, en tant que résistante et impressionnant nos sens, comme une force analogue à celle que nous développons au dehors dans l’acte de toucher et que nous appelons notre force physique. La chimie nous signale tout autre chose. Comme nos sens n’atteignent point l’affinité, nous ne sommes plus autorisés à l’identifier absolument aux forces physiques. Il est bien vrai qu’elle modifie ces forces ; que tout phénomène chimique est accompagné de manifestations d’électricité et de chaleur ; qu’il y a un spectre chimique ; que le degré de cohésion est fort important dans les actions chimiques ; que l’oxydation du muscle est nécessaire à la production de l’énergie musculaire ; et qu’ainsi une étroite connexion existe entre les forces chimiques et les forces physiques, mais leur complète identité est encore hypothétique. Il nous suffit toutefois de constater que les affinités et les agents physiques se supposent et s’influencent mutuellement, pour être en état d’affirmer que la nature des unes n’est pas en tout différente de celle des autres, car on ne conçoit aucune relation possible entre des choses qui n’ont absolument rien de commun. Les plus récents progrès de la chimie tendent même à établir que l’affinité serait une loi mécanique n’agissant qu’à des distances minimes et se rattachant à la loi de l’attraction universelle ; mais la preuve de cette assimilation n’est pas entièrement faite,