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DE LA MATIÈRE EN PHYSIOLOGIE




La physiologie nous découvre à son tour des puissances plus secrètes, plus inaccessibles encore à nos sens et qui créent une distinction nouvelle dans les corps chimiquement définis en conférant à certains d’entre eux une unité spéciale qu’on nomme la vie. L’hypothèse des animistes et celle des vitalistes, quelque erronées que soient leurs formules métaphysiques, expriment néanmoins un fait vrai : l’impossibilité de rendre compte du phénomène de la vie par les seules forces matérielles connues des chimistes et des physiciens. Mais les animistes et les vitalistes se font une idée fausse de la matière, lorsqu’ils se croient obligés d’y adjoindre un principe différent d’elle et distinct, en quelque sorte spirituel, dont la fonction serait de la modeler et de l’animer, de lui donner figure et vie, en un mot de l’organiser. L’idée d’une sorte de souffle agitant une matière inerte est la donnée instinctive de la connaissance spontanée ; elle a, comme telle, son utilité pratique, car elle différencie des manières d’être qu’il était bon de ne pas confondre ; il était bon qu’instinctivement l’homme distinguât la matière vivante de toute autre. Mais cette concession devient téméraire et très contestable dès qu’elle prétend spécifier la différence essentielle de l’être vivant et de l’être qui ne l’est pas. La réflexion a fait peu à peu justice des vaines entités qu’elle engendre. On eut bientôt découvert que la plupart des mouvements observés dans l’organisme, loin de procéder