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Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1879-1888.djvu/101

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Vos cités, vos chemins, vos moissons, vos troupeaux,
Vos codes, vos outils, vos armes, vos drapeaux,
Qu’importe à l’Infini ? La terre en paix chemine
Et laisse fourmiller sur son dos sa vermine. »

— « Ô majesté du front ! chante alors l’autre voix,
Triomphe du vouloir sur l’instinct par le choix !
Puissance de la main ! don sacré du langage !
Hyménée où l’amour à se poser s’engage !
De l’homme sur la brute auguste primauté
Ô justice ! Ô tendresse ! Ô science ! Ô beauté
Ce que vous animez de terrestre matière
N’est, il est vrai, qu’un point dans la Nature entière,
Mais plus vaste qu’un ciel et libre comme Dieu
L’âme est une étrangère en ce grossier milieu ;
Son espace est ailleurs, elle n’est pas mortelle,
Tout le poids des soleils ne pourrait rien sur elle !
Oui, l’homme est bien un roi : nul ne connaît l’ennui,
Et nul ne peut sourire, en l’univers, que lui ! »

Pour moi qui n’ose point sous mon front éphémère
De l’immortalité caresser la chimère.
Et ne me reconnais ni vermisseau ni roi ;
Qui, des pensers d’un peuple héritier malgré moi,
Écho de ses leçons dans mes propres études,
Penserais autrement sous d’autres latitudes,
Dont l’amour par les sens captif impur du sol
Ne peut pourtant rêver sans jalousie au vol,
Et dont l’intelligence, éclair furtif, en elle