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Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1879-1888.djvu/141

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Tu craignais que déjà la Nature outragée
Par l’homme monstrueux dans ses plus saintes lois
Ne fût par l’esclavage et le vice vengée
Sur son propre bourreau qui bâillonnait sa voix.

Tu l’entendais pousser des soupirs de détresse,
Tu t’es entre elle et l’homme avec amour jeté.
O Jean-Jacques, ton siècle en a fait sa maîtresse,
Mais le premier ton cœur épousa sa beauté !

Tu la fis admirer dans les pleurs de Julie,
Respecter par Émile et cultiver en lui,
Et ton rêve l’offrit aux peuples accomplie
Dans la justice ayant la raison pour appui.

Hélas ! tu fis le plan d’un temple à la Justice,
Mais tu n’étais plus là pour guider les maçons !
Ils ont d’abord gâché dans le sang leur bâtisse,
Ivres du vin trop chaud de tes fières leçons.

III


Ah ! quel penseur prévoit le destin de son rêve !
Il en jette la graine au vent et disparaît,
Et ce qui sortira des sources de la sève,
C’est peut-être une fleur, peut-être une forêt.