Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1879-1888.djvu/174

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Mon âme se dilate et nage, au ciel ravie,
Et voit de sa misère ancienne les haillons
Dispersés se résoudre en glorieux rayons !
Ce grand bain de lumière allège en moi la vie.

Mes yeux que nul éclair ne saurait plus léser
Savourent le plein jour dont ils bravent l’atteinte ;
Tout l’azur m’envahit, ma pensée en est teinte,
Elle en savoure aussi l’immense et pur baiser.

Je bois ton harmonie, adorable lumière,
Sublime harpe où vibre un hosanna sans fin
Sous les doigts éthérés de quelque séraphin
Qui fait son paradis de la nature entière !

stella

Viens, tu n’y perdras pas ; ce n’est pas un adieu
Que tu fais à l’extase en visitant ce lieu. —

Elle lui prend la main. Ils s’enfoncent dans l’ombre
D’une antique forêt aux colonnes sans nombre,
Dont les fûts couronnés de feuillages épais
En portent noblement l’impénétrable dais,
Si haut, si droit au ciel, que l’œil qui les contemple
Croit mesurer l’essor d’un gigantesque temple ;
Et ce peuple debout en s’élevant vieilli
Impose à leur jeunesse un respect recueilli.