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Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1879-1888.djvu/224

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Et quand des jours mauvais ne te hantera plus
______L’image évanouie,
Tu goûteras entier le bonheur des élus
______Révélé par l’ouïe !

Alors tu sentiras se lever doucement
L’opaque et lourd rideau qui te voile à toi-même,
Éclore dans ton âme une aube vague et blême,
Puis croître et resplendir l’intime firmament.

Grand comme l’autre ciel, celui-là se déploie
Ensoleillé d’amours et d’espoirs étoilé.
Ouvrant de toutes parts, comme l’autre peuplé,
À d’innombrables vœux des abîmes de joie !

Ces amours, ces espoirs dormaient inaccomplis,
Et ma voix de leur tombe en vibrant les exhume :
La musique ressemble au soleil qui rallume
Les spectres des objets dans l’ombre ensevelis.

Ce qu’en l’espace font la lumière et la flamme
Qui donnent à la fois couleur et force au corps,
Pour donner forme et vie aux rêves, les accords,
Émules des rayons, le font aussi dans l’âme !

Ô musique, soleil du monde intérieur,
Montre à mon bien-aimé tout le fond de mon être ;
Qu’il puisse, au fond du sien me reflétant, connaître
Ce que j’ai de plus beau, ce que j’ai de meilleur !