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Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1879-1888.djvu/226

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Or, dans l’air d’ici-bas que seul nous connaissons,
Jamais pareils transports n’émurent pareils sons.
Ah ! ton art est cruel, misérable poète !
Nul objet n’a vraiment la forme qu’il lui prête ;
Ta muse s’évertue en vain à les saisir :
Les mots n’existent pas que poursuit son désir ;
Si beau que soit un vers par le souffle et le nombre,
La beauté qu’il décrit n’y laisse que son ombre…
 
______On voit les brumes du matin,
______Que disperse la tiède aurore,
______En légers lambeaux de satin
______Sur les prés se traîner encore,

______Errer sous la brise un moment,
______S’allonger, s’éclaircir, s’étendre,
______Puis disparaître entièrement
______Dans l’azur gai, limpide et tendre ;
 
______Faustus voit ainsi le passé,
______Aux douceurs du chant qui commence,
______Se fondre et se perdre, effacé
______Dans la béatitude immense.

______Son regard étonné trahit
______Combien cette paix sans mélange
______Qui le pénètre et l’envahit
______Lui semble doucement étrange.