Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1879-1888.djvu/251

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______Et que la Mort venant nous prendre
______Ne trouve qu’un amas de cendre
______Par son léger souffle emporté ! »

« Et tous s’étaient rués dans les lâches délices.
Ils s’étaient attablés au grand banquet des vices :
Les uns chantaient debout ; les autres hors des lits
Laissaient leurs bras pesants d’un sang épais remplis
Pendre, oubliant le sein des pâles courtisanes.
Les maigres jeunes gens, pris de gaités profanes
Et fous d’ivresse, offraient la fumante boisson
Aux lèvres sans couleur des Marcellus de pierre,
Et sur les piédestaux dansaient, chargeant de lierre
Des fronts qu’avaient ornés le chêne et le gazon.
Soudain, quand la joyeuse et misérable troupe
Ne se soutenait plus pour se passer la coupe.
Une perle y tomba, plus rouge que le vin…
Ils levèrent les yeux : cette sanglante larme
D’un flanc ouvert coulait, et, par un tendre charme,
Allait rouvrir le cœur au sentiment divin.
La coupe de nectar devient l’amer calice,
Le lit voluptueux se transforme en bûcher,
La tunique de fête en un rude cilice ;
Le corps souffre, et l’esprit recommence à chercher. »

Comme à la nuit tombante une ville muette.
Profilant sur le ciel sa noire silhouette,
Ne laisse discerner parmi ses toits fumants
Que les dômes hardis de ses hauts monuments.