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Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1879-1888.djvu/265

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Chaque instinct n’est qu’un piège et l’amour qu’une embûche
Où le couple attiré par l’espèce trébuche
Et rougit de pourvoir la mort en procréant.
Volonté, ton salut, c’est de tendre au néant !

« Voilà donc où la soif de tout connaître amène ;
Voilà le dernier mot de la pensée humaine ;
Non : ce n’est pas possible ! Ici, mon propre sort
Atteste un renouveau céleste dans la mort ! » —

En achevant ces mots, Faustus tourne la tête
Et voit pleurer Stella dont le regard s’arrête
Avec une douceur souffrante sur le sien.
« Et pourtant, mon ami, je ne te suis plus rien.
Dit-elle ; je me sens dans ton cœur supplantée.
Ah ! si l’œuvre aujourd’hui par ton cerveau tentée
Peut satisfaire en toi le plus noble besoin,
Je veux de ton bonheur lui résigner le soin.
Mais homme ne crains-tu d’essayer l’impossible ?
L’entière vérité nous est-elle accessible ?
Tu perds le sûr amour pour un bien peu certain,
La présente beauté pour un spectre lointain. »
Faustus lui prend les mains et tendrement les baise ;
« Il n’est que ma Stella qui pour toujours me plaise.
L’amour du vrai n’est point pour le nôtre alarmant ;
L’ardeur en est moins vive et la source moins chère,
Et dans mon âpre zèle à m’y livrer j’espère
Moins trouver un plaisir qu’apaiser un tourment.