Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1879-1888.djvu/336

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Pourquoi ? Parle, réponds, sois sincère avec moi !
Des pleurs ! ici des pleurs ! Ouvre, pour Dieu ! ton âme.

Elle tremble, s’affaisse et de terreur se pâme.

Faustus s’écrie, enlace et reçoit sur son cœur
Ce bel ange abattu, plus beau dans la langueur.

N’eût-il pas dû cacher son trouble à son amie,
Qu’un si cruel réveil trouvait mal affermie ?
Puisque ces tristes voix qui cherchaient des échos
N’avaient fait, en passant, qu’effleurer son repos,
Pourquoi n’avait-il pas, imitant leur clémence,
Préservé son amour de cette angoisse immense ?
Il a pleuré, l’ingrat !

_______________Pris d’un subit remords,
Il baise ces longs yeux éteints qu’on dirait morts,
Ce front où la détresse est dans la grâce empreinte,
Et réchaufte ce sein que n’émeut plus l’étreinte.

Au temps où le bonheur était nouveau pour lui,
Un jour, il s’était là prés d’elle évanoui
Pour avoir longuement humé l’âme odorante
D’une fleur qui semblait du lis aimé parente.
Et c’est elle, à présent, qui défaille à son tour
Dans ses bras, mais blessée en aspirant l’amour !

Elle reprend ses sens et, levant la paupière,
Remplit son lent regard d’une triste prière…