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Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1879-1888.djvu/365

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La culture parquait, avec soin séparés,
Les divers végétaux de parure diverse ;
Maintenant, confondus par les jeux du hasard,
Dans leur croissance exempts d’hostiles influences,
Ils ne font qu’un tapis où toutes leurs nuances
Donnent partout ensemble une fête au regard.

Ce n’est qu’une forêt désormais sans barrières,
D’un pôle à l’autre offerte au baiser du soleil,
Où les déserts qu’il vêt d’un poudroiement vermeil
Et les chaos rocheux sont les seules clairières.
Le peuple ailé voltige et chante rassuré
Sous le fidèle abri des renaissants feuillages,
Et ne trouve, au retour de ses constants voyages,
Aucun asile vert qui soit dénaturé.

Plus de joug : les taureaux marchent la corne haute,
Les gazelles font fête aux génisses leurs sœurs ;
Plus de lourds cavaliers ni de traîtres chasseurs :
Les chevaux et les cerfs galopent côte à côte ;
Et foulant, rois du sol par un juste retour,
Sur les vieux champs de Mars, les lis dans les luzernes
Et les lilas, suaire embaumé des casernes,
Ils vaguent par troupeaux que fouette seul l’Amour.

Sous le pied fugitif des promptes antilopes
Que les lions debout menacent de leur flair,
Sous l’œil grave et perçant des aigles, rois de l’air,
Il n’est pavés ni toits sans vertes enveloppes ;