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LA BONNE NOURRICE
A Madame Marie Colin.
Aux côtés de l’Amour les Destins ici-bas
Ont placé prudemment une nourrice ancienne
Dont ils ont enchaîné l’existence à la sienne,
Mais que l’enfant oublie et ne reconnaît pas.
Suivant de près son vol d’un pied prompt, jamais las,
Avec lui s’arrêtant, sa jalouse gardienne
Accompagne et conduit la chasse quotidienne
Qu’il fait aux jeunes cœurs sous les nouveaux lilas.
Elle guide ses traits, le surveille et l’empêche
D’être, en ses jeux, tué lui-même par sa flèche,
Le choye et l’entretient beau, rusé, leste et fort.
— « Étrangère, dit-il, d’où me vient ta tendresse ? »
— « Enfant, je te dois tout ! » répond l’antique Mort
En lui baisant sa bouche adorable et traîtresse.