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Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1879-1888.djvu/55

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LES SOUVENIRS


SONNET


A Madame Marthe Guéroult.


De nos émois d’enfantt le lointain souvenir
Nous est fidèle encore, en dépit des années ;
Les fleurs de notre avril en vain se sont fanées,
Leurs images en nous ne se peuvent ternir.

Mais au contraire, hélas ! voulons-nous retenir
De nos impressions les plus récemment nées,
Elles s’effacent vite et meurent, condamnées,
Moins anciennes dans l’âme, à plus tôt y finir.

Comme un prompt échanson qui, sans reprendre haleine,
Passe devant la coupe et la tient toujours pleine,
Le temps passe et remplit la mémoire à plein bord.
 
Le souvenir nouveau, c’est la dernière goutte
Qui sous le moindre heurt s’en échappe d’abord,
Tandis que la première au fond demeure toute.