Aller au contenu

Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1879-1888.djvu/58

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


UN MOT D’ENFANT


A Madame Julie de Launay.


 
J’adore les enfants, tout haut, devant eux-mêmes,
Et voyez si j’ai tort ; un marmot m’entendit
Et, de son air câlin : « Monsieur, puisque tu m’aimes,
Je te promets, dit-il, de te donner un nid. »

Un nid ! sentez-vous bien quelle divine chose ?
Cet ingénu trésor, l’appréciez-vous bien ?
Un enfant, dont le cœur pas plus gros qu’une rose
Peut tenir dans un nid, fait ce présent au mien !
 
A quelque ambitieux que hante la chimère
De graver à jamais son nom dans le granit,
Un oiseau, tiède encor des ailes de sa mère,
Offre tout simplement pour don suprême un nid !

Un nid ! c’est la chaleur intime et le murmure,
La tendresse et l’espoir dans l’ombre palpitant,
C’est le libre bonheur bercé par la ramure,
Bonheur bien enfoui, voisin du ciel pourtant.