Page:Sully Prudhomme - Poésies 1866-1872, 1872.djvu/103

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LE COLISÉE


 
La lune, merveilleuse et claire, grandissait,
Et, pendant que d’une ombre oblique s’emplissait,
Du fond jusques au bord, le colossal cratère,
Sereine elle montait, transfigurant la terre
Et mêlant à cette ombre une vapeur d’azur.
Minuit, le Colisée, un firmament très-pur !

Nous montâmes, guidés au rouge éclair des torches,
Tâtant d’un pied peu sûr l’effondrement des porches,
Et regardant sans voir dans les coins des piliers.
Par le dédale étroit des roides escaliers,
Nous gagnâmes enfin la plus haute terrasse.
De là, vers l’horizon vaste et noir, l’œil embrasse
Tout ce pays qui change, au déclin du soleil,
La couleur de son deuil sans changer de sommeil
Tout en bas, comme un point dans l’arène déserte,
Un soldat ombrageux crie à la moindre alerte.

Ah ! d’où vient que là-haut, malgré l’heure et le ciel
Et cette enceinte immense au profil éternel