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Page:Sully Prudhomme - Poésies 1866-1872, 1872.djvu/180

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EFFET DE NUIT


 
Voyager seul est triste, et j’ai passé la nuit
           Dans une étrange hôtellerie.
À la plus vieille chambre un enfant m’a conduit,
           De galerie en galerie.

Je me suis étendu sur un grand lit carré
           Flanqué de lions héraldiques ;
Un rideau blanc tombait à longs plis, bigarré
           Du reflet des vitraux gothiques.

J’étais là, recevant, muet et sans bouger,
           Les philtres que la lune envoie,
Quand j’ouïs un murmure, un froissement léger,
           Comme fait l’ongle sur la soie ;

Puis comme un battement de fléaux sourds et prompts
           Dans des granges très éloignées ;
Puis on eût dit, plus près, le han des bûcherons
           Tour à tour lançant leurs cognées ;