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Page:Sully Prudhomme - Poésies 1866-1872, 1872.djvu/205

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De son dernier matin, mêlée à d’autres pleurs ;
La mort en la cueillant l’a seulement baisée,
Et, soigneuse, n’a fait qu’éteindre ses couleurs,
          Mais ne l’a pas décomposée.

Une mélancolique et subtile senteur,
Pareille au souvenir qui monte avec lenteur,
L’arome du secret dans les cassettes closes,
Révèle l’âge ancien de ce mystique herbier ;
Il semble que les jours se parfument des choses,
Et qu’un passé d’amour ait l’odeur d’un sentier
          Où le vent balaya des roses.

Et peut-être, dans l’air sombre et léger du soir,
Un cœur, comme une flamme, autour du vieux fermoir,
S’efforce, en palpitant, de se frayer passage ;
Et chaque soir peut-être il attend l’Angelus,
Dans l’espoir qu’une main viendra tourner la page
Et qu’il pourra savoir si rien ne reste plus
          De la fleur qui fut son hommage.

Eh bien ! Rassure-toi, chevalier qui partais
Pour combattre à Pavie et ne revins jamais,
Ou page qui, tout bas, aimant comme on adore,