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Page:Sully Prudhomme - Poésies 1866-1872, 1872.djvu/29

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SÉPULTURE


 
Ils m’ont dit : « Le secret est la marque des forts :
Tu n’as pas respecté la peine de ta vie,
Tu ne l’as point aux yeux stoïquement ravie. »
Ah ! combien mes aveux m’ont coûté plus d’efforts !

Pour sauver une forme éphémère et chérie,
Le profane embaumeur, troublé, mais sans remords,
Plongeant sa main hardie aux entrailles des morts,
Y dépose avec art les parfums de Syrie.

Et moi, du deuil aussi je me suis fait un art :
Mes vers, plus pénétrants que la myrrhe et le nard,
Conserveront pour moi ma jeunesse amoureuse.

Dans la tombe qu’au fond de mon cœur je lui creuse,
En sauvant sa fraîcheur j’ai voulu l’enfermer,
Et j’ai dû malgré moi l’ouvrir pour l’embaumer.