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Page:Sully Prudhomme - Réflexions sur l’art des vers, 1892.djvu/40

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réflexions sur l’art des vers

Une même voyelle, en effet, chantée avec une intensité quelconque, peut, sans rien perdre du caractère qui la distingue des autres voyelles, fournir toute la gamme ; une infinité de mélodies peuvent être composées sur les mêmes paroles. Ainsi dans la musique proprement dite les voyelles par elles-mêmes ne sont pas des notes ; chacune d’elles y demeure indépendante à la fois de l’intensité du son qui la constitue et des rapports de hauteur de celui-ci avec les sons des autres voyelles (rapports révélés par Helmholtz), c’est-à-dire que sa qualité spécifique est un timbre. Chacune représente donc un timbre distinct, s’adaptant à celui de chaque voix différente qu’elle emprunte. Le système des voyelles forme donc une sorte d’orchestre qui n’est pas essentiellement soumis à la loi de la gamme et dont les divers timbres, tout en conservant leurs mutuels rapports, subissent tous l’influence d’un commun timbre variable. Ajoutons que les consonnes, adjointes aux voyelles, en caractérisent les sons d’une manière toute spéciale, avec une netteté refusée aux modifications analogues,