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réflexions sur l’art des vers

appuie sur certaines syllabes et passe plus légèrement et plus vite sur les autres ; c’est comme un vol avec des repos espacés. On appelle fortes les syllabes où appuie la voix, faibles celles où elle n’insiste pas. Dans la prose, les intervalles des syllabes fortes sont inégaux, uniquement mesurés par l’accélération ou le ralentissement de l’émotion chez le lecteur. Chaque membre de phrase qui offre une contribution bien déterminée au sens de la phrase entière s’achève sur une syllabe forte (la dernière de son mot final, ou la pénultième si la dernière est muette). La phrase se trouve ainsi divisée conformément à son sens, c’est-à-dire ponctuée, par des syllabes fortes principales, et les intervalles de celles-ci sont eux-mêmes divisés par des syllabes fortes secondaires dont chacune est la dernière ou la pénultième de certains mots importants. La diction est, de la sorte, accentuée plus ou moins, et par cela même nuancée, au moyen des temps d’arrêt où la voix appuie sur quelques syllabes et de ses passages sur les autres sans appuyer.

Les rapports de succession des syllabes fortes