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réflexions sur l’art des vers

persiste avec netteté le souvenir purement phonique du précédent hémistiche.

C’est, nous l’avons déjà fait observer, une décision instinctive de l’ouïe, prise pour la commodité de la perception et motivée par la puissance moyenne de la mémoire auditive, qui a limité dans le vers le nombre des périodes fixes. Il a été spontanément borné à deux par le commun usage. Ces deux périodes consécutives, dont se compose la durée totale du rythme régulier dans le vers, constituent les hémistiches et forment pour l’oreille un tout, une seule et même perception embrassant à la fois l’impression présente de l’un et le souvenir encore présent de l’autre. La régularité du rythme plaît par la comparaison spontanée de ces deux éléments dans la perception collective. Mais quelle est, pour un même vers, l’unité de temps qui permet de les comparer ainsi, qui mesure les périodes du rythme régulier, c’est-à-dire les durées respectives des hémistiches ? Un vers peut être débité plus ou moins rapidement, mais, quelle que soit la vitesse de la diction, ces durées y