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réflexions sur l’art des vers

ditions phonétiques de cette jouissance pour la ressentir à volonté et le plus possible. On peut être assuré qu’il y eut dès lors des tentatives de rythmer régulièrement toutes les phrases du discours. Or le renouvellement des mêmes impressions est agréable à l’ouïe ; elle aime à retrouver une sensation agréable plus encore peut-être qu’à la rencontrer pour la première fois, car au plaisir de la rencontre s’ajoute celui de la reconnaissance, dans la double acception du mot. C’est ce dont témoignent, pour la durée, l’importance de la mesure en musique et, pour la sonorité, celle des refrains dans les chansons populaires nées des instincts auditifs. Par suite, on fut enclin à répéter le rythme dans la même phrase au lieu de l’y changer ; en outre, le rythme irrégulier de certains membres de phrase, lequel, au fond, ne différait en rien de celui de la prose, gagna pour l’ouïe un charme nouveau. D’abord le nombre constant des syllabes requis dans les vers de même espèce amène une répétition agréable à l’ouïe ; mais remarquons surtout qu’il y a chez le récitateur tendance à scander davantage le rythme