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du plat qu’elle est en devoir de retirer du fourneau, tu m’as fait une peur terrible !

— Il n’y a pas de quoi…

— Tu en parles à ton aise. Voilà mes grillades par terre !

Ouvrons sans retard une parenthèse. Monsieur Bertrand et sa femme Marguerite Barré sont des cultivateurs riches qui, petit à petit, ont amassé ce qu’ils possèdent. Il y a trente ans, la maisonnette qu’ils habitaient à l’entrée de la forêt n’avait pas l’apparence qu’a aujourd’hui leur belle maison neuve, au village des Deux Grèves, mais ils ont conservé pour le berceau de leur prospérité, pour le lieu où se sont écoulées les premières années de leur mariage, une sorte de vénération qui se manifeste constamment. Le père Bertrand, parvenu à la soixantaine, n’a pas moins de six belles et bonnes terres au soleil : — cependant, quand il dit « la terre » on le comprend — c’est le champ de ses premiers travaux, de ses meilleurs exploits, c’est la terre qu’il a défrichée de sa main à l’âge de vingt ans, et par laquelle il a commencé sa fortune. Chaque