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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

L’intendant De Meulles, s’adressant au ministre, écrivait en 1685 : « Cinq ou six sauvagesses, qui sont sorties, depuis quelques années, de pension chez les ursulines (Québec) n’ont pas de quoi se marier. On avait autrefois destiné un fonds de mille écus pour les mariages ; si on en a changé l’emploi à l’égard des Françaises, je ne crois pas qu’on l’ait conservé pour les sauvagesses. » Le ministre répondit : « Il faut faire remettre les fonds pour le mariage de ces six sauvagesses[1] à cinquante livres chacune. Il (l’intendant) pourrait aussi faire un établissement de maîtres d’école, qui coûtent trop à faire venir de France. » On ne voit pas que ce dernier projet ait été exécuté. Il faut conclure de la lettre du ministre que des maîtres d’école étaient déjà venus de France.

Par les soins de Mgr  de Saint-Valier, une succursale des ursulines s’établit aux Trois-Rivières (1698) dans le but de soigner les malades autant que d’instruire les jeunes filles de cette ville et des localités environnantes ; les classes ont été tenues avec beaucoup de succès par ces religieuses jusqu’à nos jours.

Les récollets s’établirent à Montréal en 1680. Douze années plus tard, ayant acheté un spacieux terrain, compris aujourd’hui entre les rues Saint-Pierre, Lemoine et McGill, ils y bâtirent leur couvent, et en 1706, jetèrent les fondations de leur église, rue Notre-Dame. Ils enseignaient le catéchisme et tenaient dans la ville et les environs des écoles primaires qui se sont perpétuées jusque dans notre siècle.

Sans fonder des écoles, les pères jésuites ouvrirent une maison à Montréal, en 1692.

M. Louis-François de la Faye, prêtre de Saint-Sulpice, donna, le 15 septembre 1686, de concert avec M. Souart, à quatre citoyens de Montréal, un terrain, en face du séminaire, pour y bâtir une école. Depuis quelques années, le séminaire avait pris la coutume de faire les classes aux jeunes garçons que la sœur Bourgeois ne voulait plus admettre dans ses écoles, où elle s’occupait, plus que jamais, de l’instruction des filles.

Claude Charron, sieur de la Barre, originaire de Blois, marchand de Québec, avait eu deux ou trois fils, dont l’aîné, Jean-François, demeurait à Montréal et avait pour amis Pierre Le Bert, fils de Jacques Le Bert dit Larose, aussi marchand. Un Français, du nom de Jean Fredin, se joignit à eux. Ils établirent tous trois, à Montréal, en 1688, une maison affectée au soin des pauvres et des malades dans laquelle on projetait aussi d’instruire des hommes que l’on enverrait au milieu des paroisses ouvrir des écoles. La société formée sur ces bases se dissipa bientôt, soit par l’inconstance des uns, soit pour se rendre à d’autres devoirs. Resté seul, M. Charron ne se découragea pourtant pas. En 1692, il offrit sa fortune, qui était considérable, pour la fondation d’un hôpital et d’une école. On lui reproche d’avoir été quelque peu excentrique. Néanmoins, sa charité et sa piété attirèrent plusieurs personnes bien disposées, qui consacrèrent leurs biens à l’œuvre dont il était le promoteur. Le séminaire de Saint-Sulpice avait donné, en 1688, un terrain aux frères Charron ; le roi approuva leur institut en 1694, et l’évêque accorda son consentement. Les « Frères hospitaliers de

  1. La seule sauvagesse qui paraît s’être mariée avec un Français, entre les années 1685 et 1700 se nommait Madeleine-Thérèse ; elle n’est pas au nombre des élèves des ursulines en 1681. Son mari se nommait J.-Bte Darpentigny.