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Page:Sulte - Histoires des Canadiens-français, 1608-1880, tome VII, 1882.djvu/37

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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Saint-Joseph de la Croix » ou « Frères Charron » comme on les appelait ordinairement, prirent l’habit, au nombre de six, le 25 avril 1701 ; en 1702, ils firent des vœux simples et en 1704 celui de stabilité, mais en 1705, ils cessèrent de recevoir des novices, par suite des ordres de la cour. Le soin des malades, pensait le ministre, M. de Pontchartrain, est une tâche mieux appropriée aux femmes qu’aux hommes, nonobstant l’esprit de charité qui puisse animer ceux-ci. En même temps que le ministre portait la restriction relative aux novices, il interdisait l’usage du costume adopté par les frères Charron. L’établissement s’en allait en décadence lorsque François Charron proposa de restreindre l’objet de sa fondation à former des maîtres d’école pour les campagnes. Au milieu des deux dernières guerres de Louis XIV, la colonie végétait forcément, et il semblait que le pouvoir eût bien d’autres affaires à surveiller que les écoles du Canada. L’intendant Raudot, dans une dépêche datée de 1707, après avoir représenté au ministre l’état languissant de l’instruction dans les paroisses et l’esprit de dissipation et d’insubordination qui, selon lui, régnait parmi la jeunesse, continue en ces termes : « Il faudrait prendre la chose de plus loin et les corriger (les jeunes gens) de cette humeur dans le temps qu’ils sont capables de discipline, et pour cela établir des maîtres d’école dans toutes les côtes, qui, outre l’instruction qu’ils leur donneraient, leur apprendraient de bonne heure à être soumis. Par le grand fruit que font les filles de la Congrégation à l’égard des filles, nous pouvons juger de celui que produiraient des maîtres d’école parmi les garçons. Le sieur Charron qui, par son institut, s’est engagé à instruire la jeunesse, en ayant actuellement chez lui, s’applique aussi à former des sujets propres à toute sorte d’emploi, de concert avec quelques curés de campagne qui, par quelques secours qu’ils reçoivent de France, ou en se retranchant une partie de ce qu’ils retirent de leurs cures, sont résolus de prendre quelques-uns de ces sujets et les préparer à faire quelque école dans les côtés. » Le gouvernement français, au plus fort de la crise qui l’entraînait à la banqueroute, abandonnait au patriotisme des Canadiens le soin de s’instruire. D’ailleurs, à part les petites écoles, il était de la politique aveugle de ce temps, de ne pas admettre les colons à l’étude et à la connaissance des arts et des lettres. Le frère Charron a bâti, raconte Charlevoix, « il a assemblé des maîtres et des hospitaliers ; on s’est fait un plaisir d’aider et d’autoriser un homme qui n’épargnait ni son bien ni sa peine et que rien ne rebutait. »

Vers 1717, l’état de délabrement de la maison des hospitaliers attira l’attention de l’intendant. On y introduisit des sœurs pour vaquer aux soins des malades. Les deux tiers des frères étaient retournés dans le monde. Il n’en restait que trois ou quatre. François Charron alla à Paris presser le séminaire de Saint-Sulpice d’unir son institut à celui des prêtres de cet ordre pour les fins de l’hôpital. N’ayant pu réussir, il offrit de former des maîtres d’école, et comme le trésor reprenait alors les payements en espèces, le régent accorda (1718) trois mille francs par année pour ce nouveau projet. M. Charron recruta des laïques à Angers et à Bordeaux, le nombre de ceux-ci fut d’abord porté à six, puis à huit. « Étant informé, disent les lettres patentes (1718) que les jeunes garçons manquent d’instruction dans notre colonie du Canada, pendant que les jeunes filles en reçoivent par le moyen des sœurs de la Congré-