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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

en fin de compte, subventionnait l’entreprise, puisque du bénéfice de sa traite on tirait de quoi soutenir Québec, en espérant toujours voir arriver des temps meilleurs.

Obligé de se débattre dans cette situation resserrée, Champlain avait songé à la lutte, sur le même terrain et avec les mêmes armes que ses adversaires. Il s’attirait l’amitié des Sauvages, ses voisins, les assistait dans leurs guerres, transportait la traite au lac Saint-Pierre, et il avait cru, un moment, avoir pris une avance de longue durée sur ceux qui suivaient sa piste pour enlever les castors et les peaux de martre. Son illusion fut courte. La campagne de 1610 lui montra les barques des Mistigoches à côté des siennes, sur les rivages de l’île Saint-Ignace. Et, pour comble de déception, il apprit la mort du roi, en qui il pouvait encore reposer quelque confiance.

Il arriva donc à Paris pour soumettre à de Monts des projets nouveaux ; car, n’étant pas homme à se décourager, son esprit lui fournissait des ressources alors que tout autre eut abandonné le champ du combat.

Revoir le Grand-Saut, y choisir un lieu favorable et y construire une seconde habitation, pour de là rayonner sur un vaste pays, connaître les Sauvages, pousser des expéditions chez eux, les convertir à la Foi, dominer, en un mot, par la supériorité des intentions et des manœuvres : tels étaient ses projets. Ainsi, battu à Tadoussac, il avait adopté Québec, comme pour fermer le fleuve ; rejoint ensuite aux Trois-Rivières et au lac Saint-Pierre, il se portait à la clef des pays d’en haut, et voulait faire de l’île de Montréal, ou de son voisinage, une sorte de quartier-général des tribus huronnes et algonquines.

L’argent, qui lui manquait, était le premier objet à trouver. Il y a apparence que de Monts lui aida beaucoup en cela par une combinaison assez inattendue : Champlain était âgé de quarante-trois ans : on lui ménagea un mariage de raison, au bout duquel il y avait quelques milliers de livres tournois, comme l’atteste le document qui suit :

« Par devant Nicolas Choquiollot et Louis Arragon, notaires et garde-notes du roi notre sire, en son Chatelet de Paris, soussignés — furent présents en leurs personnes, M. Nicolas Boullé, secrétaire de la chambre du roi, demeurant à Paris, rue et paroisse Saint-Germain l’Auxerrois, et Marguerite Alix, sa femme, de lui autorisée en cette partie, au nom et comme stipulant et eux faisant fort pour Hélène Boullé, leur fille, à ce présente, d’une part ; et noble homme, Samuel de Champlain, sieur du dit lieu, capitaine ordinaire de la marine, demeurant à la ville de Brouage, pays de Saintonge, fils de feu Antoine de Champlain, vivant capitaine de la marine, et de dame Marguerite Le Roy, ses père et mère ; le dit sieur de Champlain étant de présent en cette ville de Paris, logé rue Tirechappe, de la paroisse de Saint-Germain d’Auxerrois, pour lui et en son nom, d’autre part. Lesquelles parties, et de bon gré, ont reconnu et confessé, en la présence, par l’avis et consentement de messire Pierre du Gua, gentilhomme ordinaire de la chambre du roi et son lieutenant-général en la Nouvelle-France, gouverneur de Pons en Saintonge pour le service de Sa Majesté, ami ; honorable homme Lucas Legendre, marchand, bourgeois de la ville de Rouen, ami ; honorable homme Hercule Rouer, bourgeois de Paris ; Marcel Chesnu, marchand, bourgeois de Paris ; M. Jean Roernan,