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Page:Sulte - Histoires des Canadiens-français, 1608-1880, tome I, 1882.djvu/114

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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

lui ; c’était le sieur de Biencourt qui allait rejoindre son père à Port-Royal et qui, après trois mois de navigation, était encore à cent quarante lieues de son but. Enfin, le 13 mai, arrivant à Tadoussac, Champlain et Pontgravé virent qu’ils y avaient été devancés, depuis un mois, par une de leurs propres pataches, et, depuis huit jours, par trois vaisseaux de traite.

Les Sauvages de Tadoussac ne se montraient pas disposés à traiter avant que d’avoir vu tous les navires réunis, afin d’avoir les marchandises à meilleur compte. « Et par ainsi, observe Champlain, ceux s’abusent qui pensent faire leurs affaires pour arriver (à Tadoussac) des premiers, car ces peuples sont maintenant trop fins et subtiles. »

Le 17 mai, Champlain poursuivit sa route, laissant Pontgravé à Tadoussac, avec l’entente que si la traite y était mauvaise, tous deux se rejoindraient en haut du fleuve, à une date arrêtée.

« Étant à Québec, 21 mai, je trouvai le sieur Duparc, qui avait hiverné en la dite habitation et tous ses compagnons qui se portaient fort bien, sans avoir eu aucune maladie. La chasse et gibier ne leur manqua aucunement en tout leur hivernement, à ce qu’ils me dirent. Je trouvai le capitaine sauvage appelé Batiscan et quelques Algonquins, qui disaient m’attendre, ne voulant retourner à Tadoussac qu’ils ne m’eussent vu. »

Arrivé au Grand-Saut le 28 mai, Champlain n’y trouva aucun des Sauvages qui avaient promis de le rencontrer en cet endroit et de lui ramener le jeune Français dont ils s’étaient chargés l’année précédente. De son côté, Champlain se faisait suivre de Savignon qu’il avait ramené de France. Tous deux, accompagnés d’un serviteur, tentèrent, de suite, une reconnaissance jusqu’au lac des Deux-Montagnes, sans résultat autre que de faire voir le pays à Champlain, qui cherchait un site ou emplacement convenable à l’érection d’un poste fixe ; car la traite reculant toujours, il fallait marcher avec elle et s’assurer d’un lieu propice à ses opérations. De plus, Champlain, guidé par l’expérience, voulait que cette nouvelle colonie pût, en quelque sorte, se suffire à elle-même au moyen de l’agriculture. Il entrait donc plusieurs considérations dans cette importante démarche. « Sans paraître regretter sa fondation première, Champlain prévoyait le moment où il deviendrait nécessaire d’établir de nouvelles habitations, écrit M. l’abbé Laverdière, et, en désignant d’avance la florissante ville de Montréal, il ne montra pas moins de sagesse et de hauteur de vue que dans son premier choix. Malheureusement, l’état de dénuement dans lequel on le laissa pendant plus de vingt ans, ne lui permit pas de réaliser toute la hauteur de ses projets. »

Le passage suivant de la narration de Champlain est assez curieux : « Au milieu du fleuve il y a une île d’environ trois quarts de lieues de circuit, capable d’y bâtir une bonne et forte ville, et l’avons nommée l’île Sainte-Hélène, » évidemment du nom de baptême de sa femme. Pensait-il que le futur établissement serait mieux localisé sur l’île Sainte-Hélène que sur celle du Mont-Royal ?

Au retour du lac des Deux-Montagnes, il arrêta son choix sur un endroit nommé plus tard la pointe à Callières, là même où M. de Maisonneuve éleva, en 1642, son premier fort. « Dans tout ce que je vis, dit-il, je ne trouvai point de lieu plus propre qu’un petit endroit