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Page:Sulte - Histoires des Canadiens-français, 1608-1880, tome I, 1882.djvu/122

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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

hommes de son propre équipage, qui avaient conspiré pour s’en rendre maîtres et le vendre à leur bénéfice.

Dans ce voyage, Poutrincourt avait amené un prêtre du diocèse de Langres, nommé Josué ou Jessé Fleche ou Fléché, envoyé par Ubaldini, nonce du pape à Paris, et dont on cite la réputation de science et de vertu. Les Souriquois lui donnèrent le surnom de « patriarche, » qui s’est transmis aux missionnaires de toute la Nouvelle-France. Les Sauvages prononcent « patliasse, » et, jusqu’à ces années dernières, ils appelaient « petits patliasses » les élèves de nos séminaires.

M. Fléché baptisa, le 24 juin 1610, jour de Saint-Jean-Baptiste, vingt et un Souriquois. D’après les récits du temps, il en baptisa une soixantaine d’autres durant les mois qui suivirent ; mais les Pères Jésuites reconnurent que ces pauvres gens ignoraient tout-à-fait les vérités religieuses. Poutrincourt, voulant faire pièce aux Pères Jésuites, se hâtait de « convertir » les indigènes de cette façon. Le Père Biard avait parfaitement raison lorsqu’il écrivait : « Nous résolûmes, dès notre arrivée, de ne point baptiser aucun adulte sans que, préalablement, il ne fût bien catéchisé… Il n’y a point d’apparence de jamais pouvoir convertir ni aider solidement à salut ces nations, si l’on n’y fonde une peuplade chrétienne et catholique, ayant suffisance de moyens pour vivre et de laquelle toutes ces contrées dépendent, mêmes quant aux provisions et nécessités du temporel… Avant cette époque (1610), les Français ne se sont presque jamais occupés de la conversion des Sauvages. Bien des obstacles s’y opposaient. Les Français ne venaient pas ici pour se fixer, et ceux qui voulaient s’y établir éprouvèrent tant de malheurs, qu’ils ne purent guère s’en occuper. Cependant, de temps en temps, on transportait quelques-uns de ces Sauvages en France, et là ils recevaient le baptême ; mais, sans instruction, et privés de pasteurs, ils n’étaient pas plus tôt revenus ici (à Port-Royal), qu’ils retournaient immédiatement à leurs anciennes pratiques… Dans l’enclos de la grande rivière, dès les Terres-Neuves jusqu’à Chouacoët, on ne saurait trouver plus de neuf ou dix mille âmes. » Il ajoute : « Tous les Souriquois, 3,000 ou 3,500, les Etchemins jusqu’à Pentegoët, 2,500, de Pentegoët jusqu’à Kinibequi, et de Kinibequi jusqu’à Chouacoët, 3,000, les Montagnais, 1,000. »

« Il n’y avait encore aucune famille à Port-Royal ; mais Poutrincourt résolut d’en préparer l’installation, en formant dès lors les cadres de la seigneurie qu’il se proposait d’établir ; il rassembla ses hommes, et leur ayant demandé s’ils étaient dans l’intention de rester avec lui en ce pays comme vassaux censitaires, ils répondirent affirmativement. « S’il en est ainsi, dit-il, il faudra que ceux qui sont mariés amènent ici leurs femmes et leurs enfants, et que les garçons aillent en France chercher femme ; car ainsi ferai-je moi-même avec Mme de Poutrincourt, et tous mes autres enfants, et veux dès aujourd’hui vous marquer les terres que vous tiendrez à cens et à rentes, afin que vous puissiez entre temps préparer déjà la demeure et le foyer de vos ménages, travaillant ainsi pour vous-mêmes et vos enfants. »

« Ce fut de la sorte, sans doute, que dut parler le bon sire en procédant au lotissement qui nous est relaté par Cadillac et par M. de Meulles, et ce fut probablement alors qu’il dis-