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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

concert jusqu’au 25 juin, où ils se perdirent de vue par suite du mauvais temps. Cartier, qui montait la Grande-Hermine, arriva, le 7 juillet, à l’île aux Oiseaux, au nord de Terreneuve ; le 15, il était à Blanc-Sablon et attendit, dans la baie des Châteaux, les deux autres navires qui se montrèrent ensemble le 26. Le 31, ils entrèrent tous trois dans le fleuve. Le 10 août, ils visitèrent une grande baie (Sainte-Geneviève, sur la côte du Labrador) que Cartier nomma Saint-Laurent, d’après le calendrier du jour. Ce nom s’est étendu au golfe et au fleuve qui s’y décharge. Après s’être approché, le 15, de l’île de Natiscotec ou Anticosti, qu’il nomma l’Assomption, le capitaine malouin continua sa course pour voir d’où venait le grand courant d’eau qu’il avait déjà observé, l’année précédente, dans le canal où il se trouvait. Taiguragny et Domagaya, les deux fils du chef de Gaspé, reconnurent le pays qu’ils avaient autrefois visité et qu’ils désignaient comme l’entrée du royaume de Saguenay, riche en mines de cuivre rouge. Selon eux, le grand fleuve de Hochelaga commençait en cet endroit (ils étaient au nord, près la rivière la Trinité) et allait en se rétrécissant jusqu’à Canada (Stadaconé, plus tard Québec), « et va si loin que jamais homme n’avait été au bout. » Le 1er septembre, Cartier entra dans la rivière du Saguenay, mais en sortit bientôt pour continuer sa route vers « Canada, » qu’il fait commencer à la Grosse-Isle, à peu près.

C’est le 14 septembre que les vaisseaux mouillèrent au pied du cap de Stadaconé, à l’entrée de la rivière (aujourd’hui Saint-Charles) que Cartier nomma Sainte-Croix. Donacona, le chef du pays, étant à l’île d’Orléans, avait reçu les Français avec cordialité en leur adressant « une grande prêcherie, » que Taiguragny et Domagaya traduisirent tant bien que mal.

De ce moment date l’histoire du Canada français. Nous allons suivre les découvreurs, en résumant les relations de Cartier qui sont dans la main de tout le monde.

Les Sauvages du Saguenay, du cap Tourmente, de l’île d’Orléans et de Québec se montraient conciliants. Le 16 de septembre, il y en avait plus de cinq cents réunis à la rivière Sainte-Croix, dans le voisinage des vaisseaux. Cartier ayant manifesté le désir de se rendre à Hochelaga, ils lui firent mille récits, plus terribles les uns que les autres, des dangers d’une pareille entreprise. Le 19 septembre, l’Émérillon appareillait avec deux barques. Cartier fut enchanté du pays. Il visita, à quinze lieues de Stadaconé, le chef d’un village appelé Achelacy ou Hachelaï, qui lui fit bonne réception. Le 28, il entrait dans le lac que Thevet (un ami de Cartier) nomme lac d’Angoulême et que Champlain désigna plus tard sous le nom de Saint-Pierre. Comme il avait enfilé le chenal du nord, au lieu de prendre celui du sud qui est profond, Cartier s’arrêta dans les îles du haut du lac, y laissa l’Émérillon (vis-à-vis Berthier) et poursuivit sa route avec les barques (29 septembre). Claude de Pontbriand, Charles de la Pommeraye, Jean Guyon, Jean Poullet, Macé Jalobert, Guillaume Le Breton et vingt-huit mariniers l’accompagnaient. Le 2 octobre, il débarquait à Hochelaga, ayant découvert, cette année, plus de cent cinquante lieues d’un fleuve qui semblait lui promettre la réalisation de son rêve : la route de la Chine. Le lendemain, il marcha vers la montagne qui domine l’île.