À la mi-juin, on fit les semailles, qui consistaient en grains, pois, fèves, « et toutes sortes d’herbages de jardinage. »
Les Anglais de la Virginie pêchaient, d’habitude, à quinze ou seize lieues de l’île des monts Déserts. Ils eurent bientôt connaissance du poste français. Leur capitaine, Samuel Argall, résolut de le surprendre. La Motte le Vilin, lieutenant de la Saussaye, alla au devant d’eux, et, après un combat durant lequel le Frère Du Thet fut tué, il lui fallut céder au nombre ; car les Anglais avaient soixante soldats et quatorze pièces de canon.
La Saussaye était à terre. Voyant ce désastre, il s’enfuit dans les bois, mais le lendemain il crut devoir se montrer. Argall le reçut avec politesse, et lui demanda de produire sa commission, qu’il avait enlevée la veille du vaisseau de La Motte. Naturellement, elle fut introuvable. Dès lors, les Anglais le traitèrent de forban, et pillèrent ce qui appartenait aux Français. Après des pourparlers, voyant qu’il était à peu près impossible de renvoyer ces prisonniers en France, Argall leur proposa de les amener à la Virginie, ce qui fut accepté par quatre personnes, « sous promesse qu’on ne les forcerait point au fait de la religion, et qu’après un an de service on les ferait repasser en France. » Finalement, trente hommes (y compris le Père Massé) furent embarqués pour la Hève, où le navire de Pontgravé et un autre les reçurent pour les repatrier, et quinze, avec les Pères Biard et Quentin, furent transportés à la Virginie. Le commandant de cette colonie, Thomas Dale, voulut les faire mourir ; mais Argall sortit alors de ses bagages la commission de La Saussaye et leur sauva la vie. Une expédition fut ordonnée sur le champ pour détruire Port-Royal, ce qui n’était pas difficile ; Argall s’en chargea. La Saussaye s’était échappé de Saint-Sauveur, et avait probablement répandu l’alarme à Sainte-Croix et à Port-Royal, car les Anglais trouvèrent ces deux établissements abandonnés et les brûlèrent tout à leur aise. Le 9 novembre (1613), Argall se remit en route pour la Virginie. Il resta aux environs de Port-Royal quelques Français occupés aux champs et qui se réfugièrent chez leurs amis, les Sauvages.
En trois années (1610-13), écrit le Père Biard, il ne mourut de maladie, à Port-Royal et à Saint-Sauveur, que deux hommes, l’un de Saint-Malo et un autre Breton.
Des Français retenus en Virginie, trois moururent bientôt, et quatre y étaient encore en 1615. On ne dit pas ce que devinrent les autres.
Les Pères Biard et Quentin furent ramenés en Europe, après plusieurs mois d’une navigation accidentée. Aux îles Açores, ils surent rendre un service important au capitaine anglais qui les conduisait, et qui, à partir de ce moment, se comporta amicalement à leur égard, voulant leur témoigner sa gratitude. Rendus en Angleterre, les autorités françaises intervinrent en leur faveur ; on les laissa retourner en France vers la fin d’avril 1614, et ils se réfugièrent au couvent des Jésuites d’Amiens. Le Père Biard a écrit des lettres datées de l’Acadie et de France, et une intéressante relation qui fut imprimée en janvier 1616 ; il mourut à Avignon, le 19 novembre 1622.
La Motte le Vilin réussit à se rendre en Angleterre vers le même temps où les Pères