1543, et retourna le printemps suivant avec les débris de la bande de France-Roy. Le 21 juin 1544, le tribunal donnait gain de cause à Cartier sur tous les points disputés.
Ainsi se termina une tentative de colonisation sur laquelle nous avons dû nous arrêter, non parce qu’elle a produit de bons résultats, mais pour que le lecteur voie bien comment on entendait alors ces sortes d’entreprises.
Roberval continua, après 1544[1] de servir roi à la guerre : il mourut (avant 1556) assassiné nuitamment, dans les environs de Paris, rapporte Thevet.
Les historiens parlent d’une dernière tentative de colonie faite par Roberval, en 1549, qui se serait terminée par un naufrage. Son frère, l’un des plus intrépides militaires de l’époque, avait reçu de François Ier le surnom de « gendarme d’Annibal. »
L’Histoire, qui ne devrait rien idéaliser, a voulu faire de Roberval, Cartier et François Ier des hommes à conceptions profondes, ayant pour point de départ de leurs agissements la propagation de l’Évangile. Nous n’en croyons rien. L’esprit mercantile a tout dominé dans leurs entreprises au Canada. Si, d’une part, le chrétien se révèle dans les pièces officielles de ce temps, on voit très bien que l’exécution était conduite par des hommes de lucre — des chercheurs de mines et de grandes routes commerciales. Les pratiques religieuses accomplies par les équipages de Cartier, à leur sortie de Saint-Malo, étaient dans les mœurs des populations catholiques ; elles le sont encore ; mais elles n’ont jamais influencé les desseins secrets des chefs.
Le foyer d’activité maritime que présentait alors le cercle des armateurs de la Bretagne n’était pas non plus incompatible avec une saine et haute morale. Cartier tenait de ce milieu choisi le caractère qui se dégage de tous ses actes : se recommander à Dieu et devancer ses rivaux dans la carrière qu’il poursuivait. On n’en fera jamais un saint ni un esprit large encore moins de François Ier, dont les débauches ne sont un mystère pour personne, ou Roberval, qui voulut employer de la canaille pour former le noyau de ses comptoirs de traite.
Ce qui frappe davantage durant la période de 1520 à 1550, c’est le désir qu’éprouvaient les Français d’étendre leur commerce à l’Amérique, disant avec raison que le testament d’Adam n’accordait pas tous les pays nouveaux aux seuls Espagnols. On n’en était pas encore arrivé, en Europe, à comprendre l’idée coloniale, pas même celle que Henri IV effleura soixante ans plus tard (1608) grâce à Champlain, que Richelieu pensa réaliser (1627) avec l’aide du même Champlain, et que le grand Colbert adopta définitivement, de 1663 à 1680.
Le Malouin, explorateur et commerçant, parcourait les mers et cherchait fortune sans trop se préoccuper de l’instabilité des affaires politiques ou militaires de la France. Il agissait pour son compte particulier. Le point d’appui de ses armateurs était la Bretagne et non pas l’ensemble du royaume. L’argent, le matelot, le pilote, la construction des navires, tout se trouvait réuni dans sa main. Une telle population devait un jour se personnifier dans un homme, type de la race et du genre de vie qui lui était propre. Jacques Cartier, debout sur
- ↑ En 1544, l’Angleterre et l’Autriche déclarèrent la guerre à la France.