Page:Sulte - Histoires des Canadiens-français, 1608-1880, tome I, 1882.djvu/59

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


CHAPITRE III

1604 — 1607


Acadie. — Compagnie de Monts. — Poutrincourt. — Sainte-Croix. — Pontgravé. — Mal-de-terre. — Port-Royal. — Catholiques et huguenots. — Embarras de de Monts. — Poutrincourt substitué à de Monts. — Lescarbot. — Port-Royal. — Louis Hébert. — Colonie de Poutrincourt à Port-Royal. — Explorations. — Abandon de Port-Royal. — Champlain.



C

eux qui avaient trafiqué avec les Sauvages de Gaspé et de Tadoussac tenaient à ne pas perdre la boule qu’ils avaient en main, comme on dit de nos jours. Le sieur de Monts, déjà nommé, crut que son tour était venu de se faire passer le monopole de la traite. « C’était, dit Charlevoix, un fort honnête homme, dont les vues étaient droites et qui avait du zèle pour l’État, et toute la capacité nécessaire pour réussir dans l’entreprise. » Comme il était bien vu au Louvre, il offrit à Henri iv d’entreprendre à ses frais. Le roi, toujours faussement économe, ou plutôt chiche, topa volontiers. C’était pourtant l’époque où il jetait des demi-millions dans le tablier de mademoiselle d’Entragues pour se consoler d’avoir fait les couplets de Charmante Gabrielle. La chanson valait mieux que la d’Entragues.

Par lettres-patentes du 8 novembre et du 18 décembre 1603, de Monts fut nommé lieutenant-général au pays de la Cadie, du 40e au 46e, pour le peupler, cultiver et faire habiter, rechercher les mines d’or et d’argent, bâtir des villes, concéder des terres, etc. Le privilége, en dehors de la concession des terres, s’étendait jusqu’au 54e degré de latitude.

L’opposition de Sully n’était pas la seule. Le parlement de Rouen refusa d’entériner les lettres-patentes, et adressa même au roi (18 janvier 1604) des remontrances auxquelles Henri iv, piqué, riposta par une missive péremptoire selon les meilleures formes ; mais le parlement n’en tint compte, et ce ne fut que sur nouvelle injonction (25 janvier) qu’il s’inclina enfin. Il soutenait que ce privilége ne devait pas être accordé à un protestant, et que le commerce de l’Acadie et terres circonvoisines devait être libre. À quoi Sa Majesté répondait : « Nous avons donné ordre que quelques gens d’église, de bonne vie, doctrine et édification, s’emploient à cette entreprise et se transportent ès dits pays et provinces avec le dit sieur de Montz pour prévenir ce que l’on pourrait y semer et introduire de contraire pro-