n’est pas que nous approuvions les monopoles tels qu’on les comprenait à cette époque ; notre blâme vient de ce que ni les marchands évincés ni le détenteur du privilége ne pouvaient tirer bon parti de la situation qui leur était ainsi faite. Il eût fallu ou laisser le champ libre à chacun, ou favoriser une compagnie à long terme, sous l’inspection de qui de droit, afin qu’elle n’évitât point de remplir les conditions de son contrat qui regardaient l’établissement d’une colonie sérieuse.
Deux vaisseaux furent équipés à Honfleur. Sur l’un monta (5 avril 1608) Pontgravé, « député pour les négociations avec les Sauvages, » et qui prit les devants dans l’espérance de commencer la traite à Tadoussac, et préparer les voies aux opérations le long du fleuve. Il n’y fut pas plus tôt rendu, qu’il fit valoir auprès des Basques, occupés dans ces parages à la traite et à la pêche, le privilége qui conférait à M. de Monts le monopole du trafic dans le Saint-Laurent. Les Basques résistèrent et firent jouer leur artillerie aussi bien que leurs mousquets. À la première décharge, Pontgravé tomba blessé grièvement, un homme fut tué et deux autres atteints. Il s’en suivit une bagarre, puis un abordage en règle. Les Basques montèrent sur le vaisseau privilégié et enlevèrent tout le canon et les armes qui y étaient, « disant qu’ils traiteraient (avec les Sauvages), nonobstant les défenses du roi, et que, lorsqu’ils seraient prêts à partir pour aller en France, ils lui rendraient son canon et son amonition, et que ce qu’ils en faisaient était pour être en sûreté. » Le pire de l’affaire, c’est que les Basques avaient tort… d’après le roi ; car celui-ci, voulant mettre de Monts à même de se rembourser des frais de l’établissement projeté au Canada, avait interdit à qui que ce fût d’y traiter durant l’espace d’un an. En d’autres termes, il était défendu à des centaines de navigateurs de gagner, cette année-là, le pain de leurs familles.
Champlain reçut du roi le rang de capitaine en la marine. De Monts le nomma son lieutenant au Canada. Champlain avait l’intention de pénétrer un jour dans les terres jusqu’au Pacifique et se rendre à la Chine.
Le 13 avril 1608, il s’embarqua, à Honfleur, sur le second navire de la compagnie, et arriva en vue de Tadoussac le 3 juin, amenant « les choses nécessaires et propres à une habitation. » Un de ses amis, Lucas Legendre, paraît avoir beaucoup aidé à son équipement.
Le pilote de Pontgravé et un marin basque allèrent au devant de lui, le mettre au courant de ce qui venait de se passer. Le capitaine Darache voulait bien ne pas continuer la guerre, pourvu qu’on ne le molestât aucunement, ce qui, aux yeux de Champlain, était presque lui accorder son pardon. Enfin, il fut convenu que les choses en resteraient là, en attendant que la justice du royaume pût être invoquée.
Pontgravé s’efface, à partir de ce moment, devant Champlain ; mais pendant une vingtaine d’années, il reste son ami, et on peut dire son bras droit dans la fondation de la Nouvelle-France. C’est lui qui commandait les vaisseaux et faisait le service de mer.
De 1608 à 1627, il a fait nombre de voyages en France, et parcouru le fleuve annuellement entre Montréal et Tadoussac, pour les fins de la traite. Son gendre, Des Marais, accompagna souvent Champlain dans ses expéditions.