elle était sur le point de s’en retourner, un serrurier, du nom d’Antoine Natel, révéla le complot à Testu. Celui-ci alla trouver Champlain qui surveillait le commencement du jardinage. On usa d’un stratagème pour s’emparer des quatre hommes, les plus coupables ; ce fut de les attirer dans la barque, sous prétexte d’y vider quelques bouteilles de vin, et ils tombèrent au pouvoir de leur officier. Sur les dénonciations qu’ils firent, on arrêta aussi un nommé La Taille et le chirurgien Bonnerme, à qui les conjurés avaient demandé du poison. Tous six furent mis aux fers ; mais les deux derniers n’étant pas du complot, on les relâcha. « Ces choses étant faites, écrit Champlain, j’emmenai mes galants à Tadoussac, et priai le Pont de me faire ce bien de les garder, d’autant que je n’avais encore lieu de sûreté pour les mettre, et qu’étions empêchés à édifier nos logements… Je retournai le lendemain à Québec pour faire diligence de parachever notre magasin, pour retirer nos vivres qui avaient été abandonnées de tous ces bélîtres, qui n’épargnaient rien, sans considérer où ils en pourraient trouver d’autres… car je n’y pouvais donner remède que le magasin ne fût fait et fermé. Le Pont-Gravé arriva quelque temps après moi avec les prisonniers. » On institua un procès par jury. Duval avoua son crime, et dit qu’il méritait la mort. « Le dit Duval fut pendu et étranglé audit Québec, et sa tête mise au bout d’une pique pour être plantée au lieu le plus éminent de notre fort, et les autres trois renvoyés en France, » pour être livrés à M. de Monts, qui les fit condamner aux galères. Duval n’en était pas à son premier voyage dans la Nouvelle-France. Lors de l’exploration que Poutrincourt avait faite jusqu’au cap Malbarre, dans l’été de 1606, trois hommes avaient été tués par les Sauvages. « Un quatrième fut si navré de flèches, dit Lescarbot, qu’il mourut étant rendu au Port-Royal. Le cinquième avait une flèche dans la poitrine, mais il échappa pour cette fois-là ; et vaudrait mieux qu’il y fût mort, car on nous a fraîchement rapporté qu’il s’est fait pendre à l’habitation que le sieur de Monts entretient à Kebec, sur la grande rivière de Canada, ayant été auteur d’une conspiration faite contre le sieur de Champlain, son capitaine, qui y est présentement. »
Cette malheureuse affaire étant terminée, Pontgravé partit de Québec le 18 septembre (1608) pour retourner en France, avec les trois prisonniers. « Depuis qu’ils furent hors, tout le reste se comporta sagement en son devoir. Je fis continuer notre logement, qui était de trois corps de logis à deux étages. Chacun contenait trois toises de long et deux et demie de large, avec une belle cave de six pieds de haut. Tout autour de nos logements, je fis faire une galerie par dehors au second étage, qui était fort commode, avec des fossés de quinze pieds de large et six de profond, et, au dehors des fossés, je fis plusieurs pointes qui enfermaient une partie du logement, là où nous mîmes nos pièces de canons ; et devant le bâtiment, il y a une place de quatre toises de long qui donne sur le bord de la rivière. Autour du logement, y a des jardins qui sont très-bons (ceci fut imprimé en 1613, alors que ces jardins étaient cultivés depuis quatre ou cinq ans déjà), et une place du côté du septentrion qui a quelques cent ou six vingts pas de long, cinquante ou soixante de large. »
Sur cette description de Champlain, M. l’abbé Laverdière a mis les notes qui suivent : « D’après toutes les apparences, ce premier magasin de Québec était situé à angle droit avec