j’accomplirai l’œuvre principale de ma vie. Aussitôt, elle adressa une lettre au père Le Jeune pour lui offrir d’envoyer à ses frais, à Québec, des religieuses hospitalières de la maison de Dieppe. Le 18 mars 1637, la compagnie de la Nouvelle-France accorda des terrains, et le 16 août, un contrat fut passé pour la fondation des hospitalières de Québec. Richelieu assura au nouveau monastère la rente de 22,400 livres tournois ; quelques mois plus tard (1638), il donna à sa nièce, dont il voulait faciliter les généreuses entreprises, la terre d’Aiguillon, et lui fit accorder le titre de duchesse.
Plusieurs ouvriers étaient partis pour Québec en 1637. L’année suivante, les hospitalières de Dieppe se préparèrent à les suivre, mais il leur fallut attendre jusqu’au 4 mai 1639, date où nous les retrouverons plus loin.
M. de Chauvigny, seigneur de Vaubougon, tenait un rang distingué parmi la noblesse de Normandie. Il demeurait à Alençon. N’ayant pas de fils, il concentra toutes ses affections sur ses deux filles, dont la cadette, Marie-Madeleine, née en 1603, est l’objet de la présente notice. Mariée, à l’âge de dix-sept ans, au chevalier Charles Grivel, seigneur de la Peltrie, gentilhomme de la maison de Tounois, elle en eut une fille qui décéda au berceau et qui fut suivie de près par son père. Devenue veuve (1623) à vingt-deux ans, Marie-Madeleine déclara qu’elle renonçait au monde et allait consacrer sa fortune aux bonnes œuvres, ce qui désappointa d’autant plus le sieur de Vaubougon qu’il rêvait pour elle une alliance brillante et propre à inspirer de l’orgueil à sa famille. Courroucé, il finit par lui refuser sa porte ; mais quelque temps après, vers 1637, la mort de sa mère la rappela dans la maison paternelle, et une violente attaque de fièvre l’y retint forcément. Comme on s’attendait à la voir expirer, elle fit vœu de se dévouer aux missions de la Nouvelle-France ; car ayant lu la Relation du père Le Jeune de l’année 1635, elle y avait trouvé sa vocation. Guérie bientôt, contre toute espérance, elle se mit en devoir d’exécuter son projet ; mais sa famille la traita avec plus de rigueur que jamais, et voulut absolument qu’elle fît le choix d’un époux. Dans cette alternative, ses amis lui suggérèrent d’employer un stratagème assez romanesque : c’était de se faire demander en mariage par un gentilhomme très pieux, nommé M. de Bernières-Louvigny, trésorier de France à Caen, et qui lui-même avait fait vœu de ne point se marier. M. de Vaubougon pensa en mourir de joie, tant il était convaincu que sa fille, une fois sous puissance de mari, serait empêchée de dépenser sa fortune à des œuvres qui ne rapportent rien dans ce bas monde. On profita d’un accès de goutte qui retenait le bonhomme au lit pour aller faire une promenade, qui prit à ses yeux les apparences d’une cérémonie de mariage. Peu après, Vaubougon mourut, et madame de la Peltrie eut à subir un procès de la part de sa sœur aînée, qui voulait la faire enlever et mettre en interdiction, alléguant qu’elle donnait son bien aux pauvres et que, par sa mauvaise conduite, elle l’aurait bientôt tout dissipé ; le tribunal pensa autrement et lui rendit ses droits. C’est alors que, aidée des conseils et des bons offices de M. de Bernières, du père de Condren, général de l’Oratoire, et de saint Vincent de Paul, elle s’adressa au père Poncet de la Rivière, qui la mit en rapport