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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

séminaire dix ou douze ecclésiastiques, dont trois ou quatre sauront les langues du pays, afin de les enseigner aux missionnaires qui viendront de France. Ceux-ci, en arrivant, se reposeront un an au séminaire pour apprendre ces langues et ensuite être dispersés parmi les nations voisines, selon qu’il sera jugé à propos. S’ils tombent malades, le séminaire leur servira de retraite. Les autres ecclésiastiques s’occuperont à l’instruction des enfants des sauvages, et des Français, habitants de la dite île. Il y faudra encore un séminaire de religieuses pour instruire les filles sauvages et les Françaises, et un hôpital pour y soigner les pauvres sauvages quand ils seront malades. »

Les pères jésuites avaient mis toute leur influence au service de l’association qui se formait au sujet de Montréal ; les directeurs des Cent-Associés paraissaient voir l’entreprise d’un œil favorable ; mais il n’en était pas ainsi de certains traiteurs, employés ou membres de la grande compagnie ; ceux-ci dénonçaient comme des abus les privilèges accordés à la société de Montréal. Il en résulta quelques froissements à Québec, et on alla jusqu’à proposer à M. de Maisonneuve d’établir son poste dans l’île d’Orléans, au lieu de monter jusqu’à Montréal. Sur le refus bien catégorique du brave officier, le gouverneur-général annonça qu’il se joindrait à lui avec grand plaisir et l’assisterait de ce qui serait en son pouvoir. Tous deux partirent avec le père Vimont « et plusieurs autres personnes bien versées dans la connaissance du pays, » et ils débarquèrent à Montréal le 14 octobre ; le lendemain, on prit possession de l’île selon les formes[1].

Dès son arrivée à Québec, M. de Maisonneuve avait compris que la saison était trop avancée pour s’établir à Montréal cette année, et qu’il faudrait attendre le printemps. C’était là une complication inattendue, mais il était écrit que la société de Montréal trouverait à point nommé les protecteurs dont elle aurait besoin. Chose assez curieuse, ce fut un homme riche, réfugié au Canada, qui mit à sa disposition des ressources en argent et en propriétés.

Pierre de Puyseaux[2], sieur de Montrenault, né vers 1566, avait amassé une fortune dans la Nouvelle-Espagne, et, du vivant de M. de Champlain, était venu au Canada, tant pour y vivre en repos que pour appliquer ses biens à des œuvres pieuses, principalement à la conversion des sauvages. On lui avait donné la seigneurie de Sainte-Foye et le fief Saint-Michel de Sillery, dont les titres, non plus que celui accordé au sieur Derré de Gand, n’ont été retrouvés. Dans l’anse Saint-Michel, il avait une maison « qui était alors le bijou du pays, » et où les religieuses hospitalières[3] avaient habité avant que d’aller prendre possession de leur maison de Sillery. Madame de la Peltrie était encore dans cette demeure l’automne de 1641. Par un acte du 14 février 1640, on voit que M. de Puyseaux est désigné comme « sieur de l’habitation de Sainte-Foy. »

Revenant de Montréal, vers la fin d’octobre 1641, M. de Maisonneuve rendit visite au

  1. Relation, 1641, p. 55 ; Dollier de Casson : Histoire du Montréal, 30-33 ; Faillon : Histoire de la colonie, I, 401-3, 419-20.
  2. Ce nom est orthographié de plus d’une manière. En 1621, un M. de Puisieux, secrétaire des commandements du roi, était en correspondance avec Champlain. (Œuvres de Champlain, 993-4, 1017.) Les familles Sillery et Puisieux étaient alliées.
  3. En arrivant de France, 1er août 1639, on les avait logées dans une maison neuve de la compagnie des Cent-Associés, près du fort Saint-Louis. De la fin de juin 1640 jusqu’au printemps de 1641, elles demeurèrent chez M. de Puyseaux, à l’anse Saint-Michel.