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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

madame de Bullion, qui au ciel tiendra un des premiers rangs dans cet ouvrage, et avec d’autant plus de raison que n’ayant voulu être connue dans les biens qu’elle y a fait, elle en a laissé la gloire à son Dieu. »

M. Olier était alors dans toute l’activité de la vie. Il a dû inspirer cette partie du mémoire des associés de Montréal présenté à la compagnie de la Nouvelle-France en décembre 1640, où l’on voit que les fondateurs de Montréal se proposaient d’établir trois communautés : l’une d’ecclésiastiques séculiers, l’autre de sœurs vouées à l’instruction de la jeunesse, et la troisième d’hospitalières pour l’assistance des malades. Au mois de mai 1642, il fonda, à Vaugirard, la Société des prêtres, laquelle se transporta à Paris trois mois plus tard, et prit le nom de Saint-Sulpice, paroisse que dirigeait M. Olier. En même temps, M. de la Dauversière commença, à la Flèche, l’institut des filles de Saint-Joseph, qui devait fournir des hospitalières. La communauté des institutrices fut, plus tard, l’œuvre de la sœur Marguerite Bourgeois.

M. de la Dauversière était procureur de la compagnie de Montréal. Il employa quarante mille francs à l’achat de provisions de bouche, d’armes, de munitions et d’ornements d’église ; enrôla une douzaine de bons hommes, et confia le tout au sieur Pierre Le Gardeur de Repentigny, chargé de la conduite des navires de France au Canada pour le compte des Cent-Associés. Lorsque M. de Repentigny parut à Montréal avec ces secours, les travaux de la place — fort, retranchements, magasin, corps de logis — étaient très avancés, et les Iroquois n’avaient pas inquiété les travailleurs. Tous les effets laissés à l’anse Saint-Michel étaient déjà transportés en lieu sûr ; enfin, l’hiver 1642-43 s’annonçait sous d’excellents auspices[1].

Le 19 mars 1643, fête de saint Joseph, patron du Canada, « le principal bâtiment étant levé, on mit le canon dessus afin d’honorer ce jour au bruit de l’artillerie. » Vers la fin du même mois, dix Algonquins, poursuivis par des Iroquois, se réfugièrent dans le fort à la vue de leurs ennemis. C’est de cette manière que l’habitation française fut découverte par ces maraudeurs. Quant aux Algonquins et aux Hurons, ils n’écoutaient jamais leurs alliés les Français, mais ils imposaient à ceux-ci la tâche de les défendre lorsqu’ils avaient attiré sur eux quelques bandes d’Iroquois. On a même constaté que les Hurons étaient rarement fidèles aux Français, et la chose s’explique assez facilement si l’on songe que, outre le sang, la langue et les coutumes étaient communes aux Hurons et aux Iroquois.

Piescaret, à la tête de huit hommes, tenta d’aller surprendre les ennemis au dessus de Montréal, mais sans succès. Au commencement d’avril, il pria M. de Maisonneuve de lui permettre de se rendre aux Trois-Rivières ainsi que sa bande, ce qui s’exécuta avec peine et misère ; car les Iroquois le suivirent à la piste et ne lui laissèrent de repos qu’au terme de sa course.

La traite des pays d’en haut pouvait tomber aux mains des Iroquois. M. de Montmagny arma (27 mai) une barque la Louise, commandée par Pierre Caumont dit Laroche,

  1. Dollier de Casson : Histoire du Montréal, 40-42, 48 ; Paillon : Histoire de la colonie, I, 403-5, 435-7, 443-4, 468 ; Relation, 1642, p. 37.