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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

l’on jouit d’une des plus belles vues qu’offrent les environs de Québec. Vis-à-vis est la côte de Lauzon, avec sa rivière Bruyante, ses nombreux vaisseaux, le terminus du chemin de fer du Grand-Tronc, les villages et les églises de Notre-Dame de Lévis, de Saint-Jean-Chrysostôme et de Saint-Romuald. À droite et à gauche, le fleuve se déroule sur une longueur de douze à quinze milles, sans cesse sillonné par les vaisseaux qui arrivent au port de Québec ou qui en partent. Vers l’est le tableau, fermé à plus de douze lieues par le cap Tourmente et par les hauteurs cultivées de la Petite-Montagne et de Saint-Ferréol, présente successivement la côte de Beaupré, les verdoyants côteaux de l’île d’Orléans, le cap aux Diamants couronné de sa citadelle et ayant à ses pieds une forêt de mâts ; les plaines d’Abraham, les foulons avec tout le mouvement du commerce de bois, Spencer-Wood et la résidence vice-royale, l’anse Saint-Michel se courbant gracieusement depuis la côte de Wolfe jusqu’à la pointe à Puiseaux. Autour de ces lieux se rattachent les souvenirs historiques les plus intéressants de l’Amérique du Nord : le contact de la civilisation française avec la barbarie des indigènes ; les luttes de deux puissantes nations pour la souveraineté du nouveau-monde ; un épisode important de la révolution qui a créé la puissante république des États-Unis : voilà les grands mouvements qui ont tour à tour agité ce théâtre resserré. Partout vous y trouvez l’empreinte des pas de quelque personnage remarquable dans l’histoire de l’Amérique : Jacques Cartier, Champlain, Frontenac, Laval, Phipps, d’Iberville, Wolfe, Montcalm, Arnold, Montgomery ont tour à tour foulé quelque coin de cet espace. Tout près d’ici, dans l’anse Saint-Michel, M. de Maisonneuve et mademoiselle Mance passèrent leur premier hiver en Canada, avec la colonie qui sous leur conduite allait fonder Montréal. Si l’on se tourne vers l’ouest, la vue, quoique moins étendue, rappelle encore de glorieux souvenirs. Là, au détour du cap Rouge, Jacques Cartier établit ses quartiers, la seconde fois qu’il hiverna sur les bords du Saint-Laurent. Roberval le remplaça, au même lieu, à la tête de sa colonie éphémère. Près de l’embouchure de la rivière Chaudière se dressaient les tentes des Abénakis, des Etchemins, des Souriquois, lorsque, des côtes de la Nouvelle-Angleterre, ils venaient fumer le calumet de paix avec leurs frères les Français ; la rivière Chaudière était alors le grand chemin qui reliait leur pays au Canada.

« Plus près de la pointe à Puiseaux est l’anse de Sillery où les jésuites réunirent les Algonquins et les Montagnais qui voulaient se convertir au christianisme, et formèrent une réduction florissante. De là les lumières de la foi étaient portées par les néophytes au sein des plus profondes forêts ; là venaient s’exercer pour leurs missions lointaines les apôtres qui se préparaient à annoncer la bonne nouvelle au pays des Hurons, aux bords du Mississipi ou sur les côtes glacées de la baie d’Hudson. De là le P. Druillètes partait pour aller porter quelques paroles de paix, de la part des chrétiens de Sillery, aux Abnaquiois de Kennebecki et aux puritains de Boston. Près de ce lieu, le frère Liégeois était massacré par les Iroquois, et le P. Poncet fait prisonnier et amené par les barbares. »

La bourgade de sauvages de Saint-Michel fut plus tard transférée à Lorette.

Douze seigneuries au moins ont été concédées de 1636 à 1639, ce qui, ajouté aux cinq ou