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histoire des canadiens-français

de moins en moins féconde à mesure qu’elle dépasse une certaine zone plus ou moins rapprochée de l’équateur, selon les climats divers, si bien qu’en certains climats il ne paraît même pas qu’elle puisse constituer une souche véritable, comme on le voit dans les colonies fort anciennes du Sénégal, de l’Hindoustan et des îles de la Sonde, où les Européens se sont rendus en grand nombre, et où se trouvent à peine quelques familles créoles. Dans les Antilles, la race blanche ne progresse pas, et si elle s’y maintient, ce n’est guère que grâce à l’immigration continue de nouveaux Européens. Les Espagnols et les Portugais nous offrent bien quelques exceptions dans l’Amérique centrale et méridionale ; mais, si on distingue dans la population de ces contrées, à travers son assimilation, la portion qui descend des indigènes et celle qui appartient au sang mêlé, on s’apercevra que la véritable race européenne est encore bien peu nombreuse dans ces pays, et que sa progression a été fort peu sensible. Aux États-Unis mêmes, nous sommes persuadé qu’une différence doit être établie déjà entre la progression naturelle des États du nord et celle des États du sud, et nos Français de la Louisiane n’offrent rien qui puisse être comparé avec le développement de ceux du Canada et de l’Acadie. »

Nous ne nous imposerons point la tâche de prouver que les Canadiens-français sont beaucoup plus robustes, tout aussi agiles, et doués d’une intelligence qui n’en cède aucunement à leurs frères de France — cela est superflu. Loin d’avoir dégénéré, le Canadien s’est refait une santé, une vigueur corporelle dont le Français n’offre que de rares exemples.

Loin d’avoir laissé décroître son intelligence, le créole canadien, abandonné il y a un siècle, dans une pénurie complète d’instruction, s’est mis à l’œuvre et il a atteint le niveau où se maintiennent les peuples les plus intelligents du globe. Notre histoire abonde en preuves de cette nature. N’avons-nous pas été les pionniers des idées politiques, non-seulement en Canada, mais dans toutes les colonies anglaises ? N’est-ce pas nous qui avons donné le branle dans les colonies à ce mouvement de l’administration des affaires publiques basée sur la responsabilité entière des représentants du peuple et des ministres ? Bien des pays d’Europe n’en sont pas encore là, quoi qu’ils fassent pour y parvenir.

Trop de théories extravagantes ont reçu le jour à notre sujet pour qu’il soit possible de les réfuter toutes. Contentons-nous ici d’en parler à la légère.

D’abord, nous jeûnons beaucoup ! C’est au point que la privation de viande nous a fait dégénérer de nos ancêtres, et que nous sommes presque incapables de travailler ! ! ! À cette assertion ridicule, il y a mille réponses.

Le docteur Hingston, un Anglais de Montréal, disait dans une convention médicale tenue récemment à Paris : « La nourriture de l’Habitant consiste principalement en viande, surtout en lard dont on fait une grande consommation. En supposant que l’état fourni par M. Louis Blanc sur la quantité de nourriture consommée par les classes ouvrières, dans les différentes parties de l’Europe, soit correct, la quantité consommée par les Canadiens-français est de beaucoup plus considérable. Au Canada, la plupart des familles mangent de la viande à chaque repas. Le désir des viandes grasses devient presque irrésistible, surtout lorsque les