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tâchâmes d’appaiser ; et les deux enfants eurent le fouet, le lendemain matin, pour avoir désobéi. »

Si, d’une part, Mgr  de Laval luttait contre le gouverneur pour des questions de préséance, il avait, d’un autre côté, à tenir tête au délégué de l’archévêque de Rouen. Le 27 février 1660, le roi écrivit la lettre suivante à l’abbé de Queylus : « Ayant été informé que vous faisiez état de partir au plus tôt, par le premier vaisseau, pour retourner au Canada, et ne désirant pas, pour bonnes considérations, que vous fassiez ce voyage, je vous fais cette lettre pour vous dire que mon intention est que vous demeuriez dans mon royaume, vous défendant très expressément d’en partir sans ma permission expresse ; à quoi m’assurant que vous satisferez, je ne vous ferai la présente plus longue que pour prier Dieu qu’il vous ait, M. l’abbé de Queylus, en sa sainte garde. » Ceci, observe M. Jacques Viger, « ressemble à une lettre de cachet, à laquelle il ne convenait guère, pour un homme de la robe de l’abbé, de ne pas se soumettre. Il ne le voulut pas néanmoins ; car le 3 août 1661, M. de Queylus était à Québec, en dépit de la défense du roi. »

« Le 3 août 1661, dit le Journal, arrivée de M. l’abbé de Queylus et de M. Buissot, dans la chaloupe de (René) Maheu, revenant de l’île Percée, qui apportèrent les premières nouvelles de France et du changement de gouverneur. »

Mgr  de Pétrée fit signifier à l’abbé, dans les formes ecclésiastiques, de ne pas passer outre, jusqu’à la venue du prochain vaisseau de France, et de n’aller pas surtout à Montréal « sans notre permission, sous peine de désobéissance et de suspension ab officio sacerdotis, encourue ipso facto. » Cet avertissement est du 5 août. « L’abbé était en trop beau chemin pour s’arrêter, ajoute M. Viger ; il partit, mais de nuit, pour Montréal, et l’évêque lui écrivit, le 6 août… : « Et d’autant que, depuis notre ordonnance, nous avons appris que, non-seulement vous vous disposiez à partir au plus tôt, mais encore que le jour d’hier, cinquième aoust, vous vous êtes embarqué de nuit, nous vous réitérons les défenses ci-dessus, et, au cas que vous ne retourniez à Québec pour y recevoir nos ordres et y obéir, nous vous déclarons suspens ab officio sacerdotis, encourue ipso facto que vous passerez outre. »

M. d’Argenson, fatigué des intrigues qui paralysaient la colonie, avait demandé son rappel. Le baron Dubois d’Avaugour, successeur, débarqua à Québec le dernier août 1661, mais lui laissa le commandement jusqu’au 19 septembre, jour de son départ pour la France.

Le 22 octobre, l’abbé de Queylus fit voile à son tour, sur lettre de cachet, adressée au gouverneur-général. Cet ordre lui avait été signifié à Montréal par un officier à la tête d’une escouade de soldats.

Ce départ mettait fin aux luttes commencées en 1645, sinon auparavant, à propos de la juridiction ecclésiastique. Mgr  de Laval restait maître du champ de bataille. D’un autre côté, il se figurait avoir remporté un succès diplomatique en voyant partir M. d’Argenson ; mais dans la personne de M. d’Auvaugour se présentait un adversaire tenace et qu’il lui fallut briser, ne pouvant le faire plier. À cette situation, qui laissait les habitants à peu près dans le même état, se joignait l’éternelle guerre des Iroquois. On était, il est vrai, à la veille de